« Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. »
Dans la campagne pour le dépistage du cancer du sein, la femme est enfermée dans un Barbie-land de stéréotypes roses par des harangues et des slogans qui ne laissent pas droit de cité au discours scientifique et objectif. La controverse est étouffée. Les « activités » proposées tout au long du mois d’octobre, les colifichets comme le ruban rose sont infantilisant pour la femme, donnent l’illusion d’« agir contre le cancer », alors que ce ne sont que de vaines incantations. Énormément de marques et d’enseignes se greffent sur cette campagne rose qui leur assure une vitrine. Quand on sait que certains partenaires ne reversent parfois même pas 1 % de leur recette à la recherche, on peut se poser des questions sur leurs motivations.
Partout on affirme qu’un cancer du sein dépisté tôt aurait plus de chances de guérir.
C’est une croyance qui a longtemps régné et règne encore en matière de cancer du sein, et que les études ainsi que les observations en population actuellement démentent.
Des études anciennes ainsi que des travaux très récents ne montrent aucune différence significative de la mortalité entre des groupes de femmes dépistées et des groupes non dépistés. La survie est la même quel que soit le stade du cancer dans les deux groupes, et qu’on dépiste ou pas, on retrouve toujours le même taux des cancers de mauvais pronostic dans les populations étudiées. Le bénéfice attendu du dépistage qui était celui d’une réduction de la mortalité par ce cancer n’est pas au rendez-vous, avec le recul dont on dispose de décennies de pratique du dépistage.
Par contre le taux de petites lésions et de cancers de grade 0 a littéralement explosé, bon nombre d’entre eux constituant ce qu’on appelle le surdiagnostic.
Le surdiagnostic est l’invité surprise des campagnes de dépistage, c’est un diagnostic de cancer qui n’aurait pas affecté la santé de la femme de son vivant s’il était resté méconnu.
Une étude norvégienne ainsi que des observations attestent le fait que des tumeurs restent latentes ou même régressent, ces femmes meurent avec leur cancer mais pas à cause de lui.
Le problème du surdiagnostic est qu’il donne une illusion d’efficacité du dépistage. En effet, il y a vingt ans on diagnostiquait 25 000 cas de cancers et il y avait 10 000 décès (environ), soit 40 %. Actuellement on diagnostique 48 000 nouveaux cas, il y a toujours 10 000 à 11 000 décès par an, mais en pourcentage cela ne fait plus que 20 % ! On pense donc avoir réduit de moitié la mortalité alors qu’on n’a fait qu’augmenter le réservoir de femmes malades. Si on continue ainsi, dans les années à venir, les chiffres de survie iront artificiellement de mieux en mieux et les médecins deviendront des adeptes du Dr Knock, car à transformer de plus en plus de bien-portantes en pseudo-malades, forcément, on en « sauve » de plus en plus.
Mais cet excédent de malades entraîne des conséquences importantes, essentiellement pour les femmes sur-diagnostiquées qui subiront des traitements abusifs et excessifs avec les complications et effets secondaires qu’ils entraînent. Conséquences aussi pour la descendance féminine des patientes qu’on caractérisera abusivement « à risque ». On espérait que le dépistage réduirait la lourdeur des traitements ; or le nombre de mastectomies, de radiothérapies et de chimiothérapies ne fait que croître depuis son instauration systématique…
Nous avons tellement foi en la science et le pouvoir de « prédiction » de nos moyens techniques que nous pêchons tous par arrogance : les médecins de sauver des vies en soignant des gens pour des maladies qu’ils n’auraient jamais eues, sur la base d’une simple image qu’ils confondent avec une maladie générale ; les pouvoirs publics en finançant des dispositifs sans tenir compte des controverses trop « dérangeantes » ; l’industrie médicale et les entreprises commerciales pour lesquelles ces campagnes sont très lucratives.
Mais dans tout cela nous oublions que les messages incitatifs au dépistage s’adressent à des femmes saines. La découverte abusive d’une maladie a des conséquences qui, elles, seront individuelles, seront supportées par la femme concernée toute seule et non pas par la collectivité.
C’est pour cela que même en étant un dispositif de santé publique, la décision d’adhérer au dépistage du cancer du sein doit être réfléchie, non subie, le fruit d’une réflexion individuelle. Pour cela il faut informer les femmes de mieux en mieux sur le bénéfice très ténu du dépistage, à mettre en balance avec ses effets pervers, de plus en plus avérés.
L’objectif de la médecine est d’abord ne pas nuire, et certainement pas de transformer des bien-portants en malades qui s’ignorent.
www.cancer-rose.fr
https://fr.wikipedia.org/wiki/Knock_ou_le_Triomphe_de_la_m%C3%A9decine